jeudi 30 avril 2009

LES ENJEUX ECONOMIQUES AU SEIN DE LA FRANCOPHONIE

L’organisation des VIe Jeux de la Francophonie au Liban, est une occasion de s’interroger sur la dimension économique de la francophonie. Historiquement, la mission de l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie) a d’abord été essentiellement culturelle, puis elle est devenue également politique à partir du Sommet de Hanoi en 1997. Mais son volet économique ne doit pas être négligé et l’avenir de la francophonie est en grande partie lié au développement économique de son espace. Regroupant 55 Etats ou gouvernements, environ 10% de la population du globe, il offre de fortes potentialités de rapprochement et d’échanges. Le partage de la langue et la proximité culturelle favorisent en effet l’échange économique. Mais peut – on pour autant vraiment parler d’un espace économique francophone ? Espace hétérogène du point de vue de la richesse de ses membres et de leur appartenance à des ensembles régionaux différents. Quel est le poids des échanges commerciaux et des flux d’investissements entre les pays francophones ? Quelles sont les obstacles qui entravent leur développement ? Autant de questions qu’il est légitime de se poser dans la mesure où le combat pour la francophonie se situe aussi sur le plan économique.

L’espace économique francophone

Géographiquement, l’espace francophone est une aire dispersée sur tous les continents. malgré quelques concentrations en Europe autour de la France et en Afrique du Nord et subsaharienne. Il se caractérise par de grandes disparités économiques, quatre pays à eux seuls (France, Canada, Belgique, Suisse) représentant 90% de son PNB total. Quant au commerce entre pays francophones, il ne représente que 14% de leurs échanges globaux. L’espace francophone est donc moins internalisé en terme de commerce international que ne le sont les grands pôles régionaux. Ses échanges internes se caractérisent par un poids majeur des flux Nord – Nord, un poids moindre des échanges Nord – Sud et un poids très faibles des échanges transversaux Sud – Sud dont les économies sont très peu complémentaires. On peut distinguer deux groupes de pays selon que leurs échanges soient plutôt orientés vers les pays francophones ou plutôt sur les pays voisins, ou appartenant à un même bloc régional. La France et la Belgique, appartiennent à la fois aux deux groupes. Pole de la Francophonie, la France, tout en étant largement intégrée dans l’Union Européenne, se place évidemment largement en tête des échanges et des investissements intra-francophonie. L’économie du Canada, membre de L’ALENA, est surtout orientée vers l’Amérique du Nord. Mais le Québec est à la pointe du militantisme francophone. Pour les pays du Maghreb et d’Afrique subsaharienne historiquement liés à la France, la part des échanges intra-francophonie est en revanche très importante, l’Afrique francophone bénéficiant de plus de l’indexation du franc CFA à l’Euro. Quant au Liban, il a comme principaux clients les pays arabes et compte la France comme 2e fournisseur . Ses échanges avec le Maghreb sont toutefois négligeables.
Bien que travaillé par des forces centrifuges importantes, l’espace économique francophone est quant même une réalité ou le rôle central des échanges bilatéraux avec la France ainsi que celui des investissements français est dominant. Et si le partage de la langue a une faible incidence au niveau du commerce entre les membres de l’OIF, ce n’est pas le cas au plan de la coopération et de l’aide au développement.
La coopération multilatérale francophone a pour moteur principal l’Agence de la Francophonie, créée en 1970. Bien que sa mission soit essentiellement culturelle et technique, elle joue un rôle économique important à travers la mise en place d’outils de développement. A partir de 1987, les Sommets de la Francophonie se prononcent pour une meilleure coopération et une plus grande solidarité francophone en faveur des pays du sud dans le contexte de la mondialisation. C’est aussi cette année là que la France engage le combat pour l’exception culturelle au GATT et qu’est fondé le Forum Francophone des Affaires.
Parallèlement à la coopération multilatérale, la Francophonie repose sur les liens bilatéraux traditionnels que la France entretient avec les pays francophones. C’est ainsi que l’aide publique au développement qu’elle accorde aux pays africains, auquel s’ajoute celle des autres pays francophones du Nord (Canada, Belgique et Suisse), dépasse de loin en volume l’aide multilatérale. Quant au Liban il est indéniable que son appartenance à la francophonie et son amitié séculaire avec la France aient été déterminants dans les multiples initiatives françaises pour mobiliser la communauté internationale en faveur du financement de sa reconstruction, notamment à travers l’organisation des conférences Paris I, II et III.

Les obstacles à son développement

Malgré l’adhésion de nouveaux pays à l’OIF qui témoigne du pouvoir d’attraction de la Francophonie et des valeurs de solidarité et de respect des identités qu’elle incarne face à la mondialisation, le développement de sa dimension économique est entravé par de nombreux obstacles.
Le premier est la régionalisation qui est concomitante de la mondialisation des échanges économiques. L’exemple le plus accompli de cette tendance vers la constitution de blocs régionaux est l’Union Européenne dont les ambitions dépassent de loin la simple intégration économique des Etats membres et soulève la question de leur capacité à mener une politique étrangère propre. Cette interrogation concerne plus particulièrement la France et on peut se demander si elle pourra continuer à mener les constructions francophone et européenne de front et s’il n’existe pas une contradiction entre ces deux ambitions. Cette incertitude n’a pas été dissipée par la création récente, à l’initiative louable du président Sarkozy, de l’Union pour la Méditerranée (UPM) afin de promouvoir une meilleure coopération entre les pays des deux rives de la Méditerranée. D’abord du fait que sa mission et ses objectifs initiaux, notamment la création d’une zone de libre échange entre l’UE et les pays du sud de la Méditerranée, aient été revus à la baisse sous la pression de l’Allemagne. Ensuite parce que l’appartenance d’Israël à cette nouvelle organisation internationale pose encore plus problème depuis l’affaire de Gaza. Enfin parce le contexte actuel de crise financière et économique n’incite pas l’UE à faire plus d’efforts en faveur des pays du sud, que se soit dans le cadre de l’UPM ou de l’OIF.
Le deuxième frein au développement de la francophonie est la mondialisation de la culture de masse américaine et de ses produits qui est moins due à son contenu qu’à la force de son économie . Cette hégémonie, outre qu’elle constitue une menace pour la diversité culturelle de la planète, a comme corollaire la domination de l’anglo-américain au sein de la sphère des affaires. , des media et de la toile. Aujourd’hui, même les entreprises multinationales d’origine française communiquent en anglais à l’international. Au Liban, le français conserve certes ses bastions traditionnels au niveau de l’enseignement, de la presse et du livre. Mais malgré l’attachement qu’il suscite, il perd peu à peu du terrain auprès des jeunes car l’apprentissage d’une seconde langue, obéit aussi en grande partie à des motivations utilitaires. Quasiment absent du paysage audiovisuel local, il a été presque complètement évincé par l’anglais comme deuxième langue, au niveau publicitaire, au point que la majorité des annonces dans la presse francophone locale soit en anglais. On constate également une anglicisation croissante de la signalétique commerciale et des marques. Exemple parmi d’autres : la Banque de la Méditerranée qui s’appelle désormais « BankMed ». Cette tendance s’accompagne d’un repli des banques françaises, comme en témoigne la décision de la BNPI de se retirer du marché et d’autres banques françaises de réduire leurs participations dans les banques locales. On peut aussi regretter la disparition de l’enseigne Monoprix. La France reste par contre le deuxième fournisseur du Liban et y demeure un investisseur de premier plan. Signalons enfin le développement considérable des relations économiques entre le Liban et les pays arabes du Golfe qui favorise la progression inexorable de l’anglais au Liban. Mais inversement la présence de nombreux expatriés libanais dans ces pays contribue à y diffuser le français.

Les défis pour l’avenir

Dans ce contexte mondial et local d’américanisation, la question de savoir si la francophonie conservera une dimension économique dépendra de sa capacité à relever plusieurs défis.
Le plus important est de continuer à œuvrer pour contrebalancer la tendance à l’approfondissement du fossé entre pays riche et pays pauvres en renforçant les instruments de coopération multilatéraux et bilatéraux au sein de l’espace francophone. Partie des États-Unis, champions de la pensée unique ultralibérale, la crise financière actuelle qui touche l’économie réelle mondiale fournit, quant à elle, l’occasion ou jamais de proposer des mécanismes de régulation plus rigoureux des marchés financiers et un modèle de développement plus équilibré. L’OIF et les valeurs d’humanisme, de solidarité, et de justice sociale qu’elle incarne, peut à cet égard jouer un rôle important de réflexion et de proposition.
Un autre domaine qui intéresse au premier chef la francophonie et conditionne son rayonnement est la réflexion sur les industries culturelles car elles font la jonction entre langue, culture et économie et constituent un moteur clé de développement dans la nouvelle économie du savoir.

Le Forum Francophone des Affaires

Si ces questions macroéconomiques sont du ressort de l’OIF et des gouvernements concernés, celles qui correspondent à la mission du Forum Francophone des Affaires (FFA), relèvent quant à elle du niveau microéconomique. Formé de communautés d’affaires constituées en comités nationaux, il constitue un réseau au service des entreprises et a pour vocation d’encourager une plus grande implication du secteur privé dans le développement des échanges économiques et d’affaires entre les pays membres.
C’est pourquoi le Comite libanais du FFA compte organiser le 3 octobre prochain, en marge des Jeux de la francophonie, un colloque ayant pour objectifs :
De dresser l’état des lieux des relations économiques et d’affaires entre le Liban et les pays francophones et du rôle que joue sur ce plan la diaspora libanaise.
De contribuer à renforcer ses relations avec les pays du Maghreb qui sont très faibles bien qu’il partage avec eux une double appartenance culturelle arabe et francophone.
Et enfin de déterminer l’incidence économique de l’appartenance du Liban à la francophonie, au niveau du développement de ses industries culturelles ou il bénéficie d’atouts certains du fait de son identité plurielle.

mercredi 29 avril 2009

Bienvenue sur mon blog

Histoire du Liban et du Moyen-Orient, politique, culture, médias et publicité... je posterai régulièrement des articles sur ces sujets et suis ouvert à des échanges enrichissants avec toutes les personnes intéressées.