mardi 4 décembre 2012

La France au Liban et au Proche Orient


Le livre  d’Ibrahim Tabet   brosse un tableau  des relations entre la France,  le Liban et le Proche-Orient des croisades à nos jours. Au delà d’une histoire  événementielle  il s’attache à en analyser les enjeux  politiques, économiques et culturels. Des Capitulations au projet d’Union pour la Méditerranée, en passant par la « politique arabe » de la France : comment ont-ils évolués ?  Quelle influence politique la France  conserve- t‘elle  aujourd’hui ?  Et face à l’hégémonie  de l’anglais et de la culture de masse américaine, quelle est  l’avenir de la francophonie au pays des cèdres ? Telles sont quelques-unes  des questions auquel il tente de répondre.

Les Français et les Libanais   entretiennent depuis  des siècles des liens privilégiés. Comment ne pas évoquer par exemple  la  protection que la France  a longtemps accordée aux Maronites. Ou encore le  fait  qu’elle ait  été la marraine du « Grand- Liban ».  Mais les   relations franco-libanaises  ont  aussi    connu   des hauts et des bas. Ce fut  le cas en particulier  de la fin de la période du mandat qui   vit  un bras de fer entre Paris et Beyrouth.  Ou encore de celle  de la guerre libanaise de  1975 - 1990  où, face à  l’échec de  ses  tentatives d’intervention en faveur de son indépendance, la France  s’accommoda d’une mainmise syrienne sur le pays. Et  le Liban a perdu son rôle de pôle  des affaires et de partenaire  économique privilégié de la France dans la région.

Même à  l’époque    elles s’inscrivaient dans le cadre de la protection des chrétiens d’Orient, les relations franco-libanaises  ont largement dépendus  de la politique française vis-à-vis de l’Empire ottoman, et du monde arabo- musulman.  Aussi ce le livre lui accorde - t’elle  une large place. Inscrite dans la géographie et l’histoire, elle est l'une des plus vieilles constantes  de la diplomatie française  qui, de François Ier à Charles de Gaulle,  joue dans la région un jeu orignal.  Toutefois  aujourd’hui  l’exception française défendue par le fondateur de la Ve République a fait son temps et la politique française dans la région  s’inscrit désormais  d’avantage dans un cadre européen et atlantiste.  A l’heure où le « printemps arabe » bouleverse  la donne géopolitique régionale, un rappel historique  peut aider à  mieux en situer les enjeux.

 

Où vont la région et le Liban ?


Depuis  le  11 septembre  2001,  le Moyen-Orient   et l’Afrique du Nord  sont  le théâtre d’une accélération du changement et d’une succession   sans précédant  d’événements dramatiques :  interventions militaires occidentales, conflits externes et  guerres civiles , recrudescence du terrorisme,   révolutions  et renversements  de régimes , processus  d’éclatement de certains pays   … Les causes de ces événements sont trop nombreuses  et complexes et pour être résumées en un article ( exacerbation des  crispations  religieuses et identitaires, existence de   régimes politiques autoritaires  et corrompus, changements   socio- démographiques ,  crise économique et chômage,    volontés hégémoniques d’acteurs étatiques  et non étatiques locaux et étrangers, convoitises sur les richesses pétrolières de la région…). Aussi me contenterais- je  d’esquisser  un tableau des bouleversements  géopolitiques qui  pourraient   résulter  des principaux foyers actuels de crise et qui nécessitent  le  changement de certains  paradigmes.    

Le  premier de ces paradigmes  concerne l’influence  de Washington   auquel   analystes et politologues   ont   coutume d’attribuer un rôle déterminant dans les affaires de la région.  Les interventions  militaires  des  administrations  Bush  père et fils en  Afghanistan et   en Irak  leur ont  certes donnés raison.   Mais  celles-ci ont sans doute  marqué   le point culminant des  tentatives  des  Etats –Unis  de  remodeler la région en fonction de leurs intérêts et de ceux d’Israël.  Et , depuis lors,   leur  influence  a sensiblement  diminué pour plusieurs raisons :  L’échec   et les  conséquences désastreuses de ces interventions ; leur  propre difficultés économiques ;  le fait qu’ils sont appelés à être moins dépendants du pétrole de la région et à  se tourner d’avantage vers  la zone Asie-Pacifique ;   la chute du régime de Moubarak  en Egypte qui constituait  leur principal allié arabe et la prise de distance du  pouvoir irakien qu’ils ont mis en place à  leur égard ;   et enfin l’émergence d’un  contexte géopolitique international multipolaire où  les  pays dits  « BRICS »  ont  de plus en plus  d’influence dans les affaires du monde.  Le  désengagement  relatif de Washington  s’est manifesté  dernièrement lors de l’intervention  militaire en Lybie dont  elle a  laissé  l’initiative à  la Grande - Bretagne et à   la France   ainsi que  dans ses  réticences à  appuyer militairement l’opposition syrienne.      

La perte d’influence de Washington n’a pas pour autant bénéficiée à   l’Europe  qui est empêtrée dans une  crise économique  encore plus grave et    peine  à  définir une politique étrangère commune.  C’est pourquoi,  bien que  sa politique  étrangère  s’ inscrive désormais  d’avantage dans un cadre européen et atlantique,  la France est appelée à  continuer  à  jouer un rôle  clef  au niveau  des  relations   entre les rives nord et sud de la Méditerranée.  Puissance   méditerranéenne de premier ordre,  elle  est  en effet aussi le pays européen dont les liens historiques et culturels avec les pays du Maghreb et du Levant sont les plus forts.   Son influence bénéficie également du fait  qu’elle jouit  d’une image moins partiale envers Israël que  des Etats–Unis. Celle-ci  lui  a permis,  par exemple au Liban,   de gagner la confiance des  différentes factions locales tout en n’ayant  de cesse de contrer,  dans la mesure de ses moyens, le pouvoir de nuisance du régime syrien qu’elle a moins besoin maintenant de ménager.          

Dans ce contexte,  et au vu de la  fragmentation  du monde arabe qui fait  le jeu d’Israël,  ce sont les poids lourds régionaux historiques, la Turquie et l’Iran, qui  occupent de plus en plus le vide de puissance.    Cette tendance qui  avait déjà pris naissance à  l’occasion du déclin du nationalisme  arabe et de la montée de l’islamisme politique  est appelée à  se renforcer avec  l’apparition du clivage sunnite-chiite,  le fractionnement de  l’Irak et  la guerre civile  ravageant  la  Syrie ;  laquelle   est aussi une guerre par procuration.   D’acteur de premier plan , celle-ci est devenue, comme il y a peu de temps le Liban, l’arène,     se règlent  les  principaux enjeux  sur  l’échiquier géopolitique régional   :   D’une part   la   confrontation   entre l’axe  chiite est –ouest allant de l’Iran au fief du Hezbollah au  Sud –Liban  en passant  par l’Irak et la Syrie,  et l’axe sunnite dont les fers de lance sont la Turquie, l’Arabie Saoudite et Qatar ; et d’autre part   la volonté commune de la Russie de la Chine  de  contrer la suprématie de l’Occident dans la conduite des affaires du monde.  Mais alors que l’appui de la  Russie et de l’Iran  au régime syrien  est sans faille,  il n’en est pas de même de l’appui  occidental à l’opposition  syrienne.  Réticence qui n’est pas uniquement due aux divisions de cette  dernière   mais à   la crainte que suscite l’influence grandissante des islamiste radicaux en son sein.  Quand au problème palestinien il est relégué aux oubliettes et a perdu de sa centralité au profit  de celui du  nucléaire iranien qui polarise les appréhensions de l’Occident et des monarchies pétrolières du Golfe.  

Il est top tôt pour entrevoir l’avenir  du printemps  arabe.  La région traverse en effet une période de transition qui peut aussi bien déboucher sur un hiver  islamique ou une consolidation de la démocratie  dans les  pays qui ont connu des élections libres (Tunisie,   Egypte   et  même  Lybie  si elle parvient à  surmonter ses divisions tribales et régionales ).    Tout  ce qu’on peut  dire c’est  que rien ne sera plus comme avant.   Cette   vague  de soulèvements   rappelle  celui des  démocraties populaires  et le printemps des peuples en  1848 en Europe.  Contrairement à la Nahda  restreinte à  une élite   et aux pronunciamientos  militaires coutumiers de la région,   il  correspond à une lame de fond  populaire traduisant  de profondes mutations  démographiques  socio-économiques et culturelles,  amplifiée par les nouveaux moyens de communication, notamment les réseaux sociaux.    On  peut regretter qu’en Tunisie et en Egypte  les  régimes autoritaires  en place aient été remplacés par des régimes islamistes.   Mais  ce point  négatif est largement compensé par le réveil des populations  qui ne sont plus disposés   à subir passivement  comme par le passé des  pouvoir  autoritaires et corrompus.   Et  comme les islamistes   au pouvoir ne manqueront probablement  pas de décevoir les attentes des électeurs,  les partis laïcs et la société civile n’y ont pas dit leur dernier mot.

Les autres   motifs d’inquiétude   ne manquent pas :    Crainte concernant   le sort des minorités :  celui   des chrétiens de Syrie qui risquent de subir le destin tragique   de leurs coreligionnaires irakiens, ce qui   pousse  nombre de chrétiens  syriens et libanais, laïcs et religieux,   à prôner  une alliance des minorités ; et , dans une moindre mesure,  celui du  sort  des Coptes d’Egypte  qui de font pas face à  une menace existentielle  et  dont seul le statut  pourrait être  affecté  par l’islamisation du pays.   Crainte   d’une frappe aérienne israélienne  contre les installations nucléaires iraniennes qui aurait  des conséquences dévastatrices  pour   le Liban,   bien que le scénario d’une solution négociée favorisée par l’efficacité  des sanctions  contre l’Iran de doive pas être écarté.  Enfin  et surtout,  craintes  concernant   la guerre  civile en Syrie. A moins d’une hypothétique solution  politique  et même  si  le régime Assad est condamné à plus ou moins long  terme ,  celle-ci a tout l’air de s’installer dans la durée.   Avec   comme conséquence  une division de facto du pays  en zones alaouites, sunnites,  kurdes et  peut-être druzes,  et mêmes en ilots  contrôlés  par des milices extrémistes  salafistes ou mafieuses ,   accompagnée d’un surcroit de victimes,  de chaos,   de destructions et  de haine vengeresse.     Elle risque de plus d’avoir des répercussions sur les pays voisins : en  particulier Irak et, dans une moindre mesure,   la Turquie et le  Liban. L’Irak parce que les   sunnites, qui ont été écartés  du pouvoir par les chiites  après la faillite  de la prétention américaine d’instaurer la démocratie par la force,  ne manqueront  pas  de  tenter de le reconquérir  en cas de victoire de leurs coreligionnaires en Syrie, ce qui augure de la recrudescence de la violence dans ce pays.  La Turquie à  travers l’émergence probable d’une nouvelle entité autonome kurde jouxtant   celle existant en Irak.    Le Liban car,  même si le scénario d’un nouvel  embrasement généralisé  est à   écarter,  aucune partie n’y ayant  intérêt, la  tension politique et  les incidents sécuritaires risquent  d’augmenter.  D’un coté  en effet  le camp du 14 mars  mise sur un   affaiblissement et  même un  changement à terme de régime  en Syrie  pour accentuer sa pression sur le Hezbollah.  Et de l’autre   celui-ci pourrait être tenté de compenser la perte  probable de l’appui de la Syrie qui constitue sa base arrière pour renforcer son emprise sur l’Etat libanais. De toute façon au vu du rapport de force  actuel,  on   ne voit pas pourquoi il consentirait   à renoncer à  son armement  qui s’est transformé en outil au service de ses ambitions hégémoniques sur la scène locale,  ou  à  son autonomie de décision  militaire, sans compensations politiques.  En définitive l’issue du bras de fer entre les acteurs locaux  du jeu politique libanais dépendra comme d’habitude  moins d’eux que de  leurs  parrains étrangers  et du contexte régional

Ibrahim Tabet

Novembre 2012

vendredi 9 septembre 2011

Un poisson pourrit par la tete

Aspiration légitime et universelle à plus de démocratie et de libertés , ras le bol envers des dictateurs ( ou des dynasties comme en Syrie) accrochés au pouvoir depuis des lustres, enrichissement illicite de leur part et de celui de leurs entourages, corruption, pauvreté, chômage … les motifs du soulèvement des peuples arabes étaient en place , même si personne ne l’a vu venir. Certes loin d’être autocratique le régime politique du Liban souffre plutôt de la faiblesse congénitale de l’Etat et de l’existence d’un Etat dans l’Etat. C’est pourquoi le pays n’a pas été gagné par le « printemps arabe ». En revanche son secteur public est aussi corrompu avec des conséquences économiques dévastatrices. A la différence que chez nous la corruption, n’es pas due à l’autoritarisme mais surtout au confessionnalisme, ce qui la rend sans doute plus difficile à éradiquer. D’abord parce que les chefs politiques des principales communautés religieuses s’entendent comme larrons en foire pour se partager le gâteau et se protéger mutuellement de tout risque d’inculpation. Ensuite car toute accusation de corruption à l’encontre d’un des membres de la troïka ou d’un ministre serait perçue comme visant sa communauté à travers lui. Ces mauvais exemples venus d’en haut n’ont pas peu contribué à l’enracinement de la culture de l’absence du devoir de rendre compte et de la transparence au Liban.

Certes l’histoire du pays a été émaillée de plusieurs scandales de corruption impliquant les plus hautes autorités de l’Etat mais ceux-ci et n’ont presque jamais aboutis à des poursuites judiciaires et encore moins à des condamnations. Et, s’il existe un groupe de parlementaires contre la corruption qui œuvre sérieusement pour une meilleure gouvernance, la plupart des campagnes anti-corruption menées par les politiciens ont un caractère de règlement de compte visant leurs adversaires politiques. Mais dans la mesure où ils sont souvent eux-mêmes sujets à caution, leurs diatribes partisanes n’ont aucune crédibilité. C’est le cas en particulier de celles du Hezbollah qui détourne à son profit une grande partie des revenus de l’Etat à travers des pratiques illicites. Sans compter que le fait d’être financé et armé par une puissance étrangère est totalement illégal. Autrement plus crédibles sont les initiatives anti-corruption et en faveur d’une meilleure gouvernance des organisations de la société civile. Mais la plupart du temps elles évitent de s’en prendre aux plus hauts responsables politiques, s’attachant surtout à dénoncer les dysfonctionnements de l’administration publique et à prôner des réformes institutionnelles. Mais, il ne suffit pas de dénoncer la corruption multiforme qui caractérise les rapports des citoyens avec l’administration. Pas plus que de prôner des réformes administratives et une justice plus indépendante. Ou bien d’inculper tel ou tel fonctionnaire pour l’exemple. Partant du principe qu’un poisson pourrit par la tête, ce qu’il faudrait c’est s’en prendre aux symboles de la corruption. Que présidents et ministres ne soient plus assurés de l’impunité. Il existe bien des lois et des règlements dans ce sens mais elles ne sont pas appliquées. Et les institutions compétentes n’exercent pas leurs prérogatives.

En Tunisie et en Egypte deux anciens chefs d’Etat et plusieurs ministres sont poursuivis pour enrichissement illicite. Et l’épouse du Président égyptien a été contrainte de reverser à l’Etat une partie de sa fortune considérable pour échapper aux poursuites. Ce précédant ainsi que la fenêtre d’opportunité ouverte par le « printemps arabe » est une occasion unique pour lancer une campagne visant à mobiliser la société civile afin de réclamer la mise en jugement des dirigeants libanais soupçonnés d’enrichissement illicite. Les plus habilités à en prendre l’initiative sont les organisations de la société civile. C’est le cas notamment de la « Lebanese Transparency Association ( LTA) dont la mission est justement de promouvoir les principes de la bonne gouvernance et de lutter contre la corruption en proposant des réformes à cet effet. Bien que n’ayant pas pour vocation de dénoncer des cas particuliers de corruption, elle joue un rôle clé dans le cadre de cette lutte en partenariat avec d’autres parties prenantes (ONG, medias parlementaires…). C’est ainsi qu’elle vient d’organiser le 10 mai une rencontre régionale à Beyrouth réunissant des délégués de ses homologues dans plusieurs pays arabes afin d’analyser les causes et la portée historique du formidable réveil de leurs populations et de proposer des initiatives anti-corruption en Afrique du Nord et au Moyen –Orient. La réunion a souligné l’importance du rôle moteur joué par la jeunesse et du pouvoir mobilisateur des nouvelles technologies de la communication et de l’information dans cette nouvelle « Nahda » qui, à la différence de la précédente, ne concerne pas uniquement une petite intelligentsia. C’est pourquoi toute stratégie de communication anti-corruption au Liban doit en tenir compte. Notamment en développant une campagne ciblant la jeunesse engagée à travers les réseaux sociaux, Facebook, Twitter et Youtube. L'avantage de ces médias tient à la fois à leur caractère interactif (faculté d'échanger et de partager des faits, des opinions et des témoignages) et "viral" (effet boule de neige à travers la diffusion d'images et de vidéos). Pionnier dans la défense des libertés dans le monde arabe, les Libanais ne doivent pas être à la traine dans le mouvement consistant à mettre fin à l’impunité de leurs dirigeants et à utiliser les nouveaux medias dans ce but.

Ibrahim Tabet

Ou va le soulevement syrien ?

va le soulèvement syrien ?

Il est trop tôt pour tirer les conclusions du soulèvement populaire en Syrie. On peut toutefois prédire que Bachar el Assad parviendra très probablement à se maintenir au pouvoir en combinant habilement une lourde répression avec une petite dose de concessions. C’est ce qu’il a réussit à faire jusqu'à présent. Trop de libéralisme, à supposé qu’il en ait l’intention, ne pouvant que lui être fatal. Tant il est vrai que, comme l’écrivait Tocqueville : ce qu’on ôte à l’oppression ne fait que révéler ce qui en reste. Le régime baasiste bénéficie en effet d’atouts non négligeables aussi bien au plan interne qu’externe.

Sur la scène intérieure , le cas de la Syrie est différent de ceux de l’Egypte et de la Tunisie où l’homogénéité confessionnelle relative de la population (les Coptes ne comptant pas politiquement en Egypte) fait qu’un changement à la tête de l’Etat peut s’opérer sans trop de douleur. Paradoxalement, loin d’être une faiblesse, le fait que la Syrie soit gouvernée d’une main de fer par un régime minoritaire alaouite peut s’avérer être une force ; dans la mesure où une réelle menace contre son hégémonie ne peut que conduire à un bain de sang, ce qui a un effet dissuasif. Bachar el Assad peut ainsi s’appuyer sur le soutien inconditionnel de la communauté alaouite et plus particulièrement des troupes spéciales prêtes à se battre à mort pour défendre son pouvoir ; sans compter que la communauté chrétienne et une part non négligeable de la majorité silencieuse sunnite s’accommodent volontiers de l’autoritarisme du régime actuel. D’abord parce qu’il s’accompagne d’une libéralisation économique qui profite aux classes moyennes et supérieures ; même si tous se plaignent de la corruption et de l’accaparement des richesses du pays par la famille régnante et ses clients. Ensuite parce qu’ils considèrent le régime comme un rempart contre l’islamisme radical. De plus, les partis et groupes d’opposition, en bute à une répression impitoyable, sont trop divisés et désorganisés pour représenter une menace sérieuse. Qu’il s’agisse des intellectuels des petits partis laïcs ou même des Frères musulmans qui représente la principale force d’opposition. D’ailleurs comme en Tunisie et en Egypte les soulèvements ont surtout été le fait d’une jeunesse manquant d’encadrement.

Au plan externe, la Syrie a réussi depuis l’époque de Hafez el Assad à se positionner comme acteur incontournable sur l’échiquier géopolitique régional. Exploit remarquable : malgré son alliance stratégique avec l’Iran elle est courtisée par les Etats –Unis et l’Occident sans compter les puissances sunnites régionales que sont la Turquie et l’Arabie Saoudite. Et malgré son soutien au Hezbollah et au Hamas, le plus grand cauchemar d’Israël serait que le régime minoritaire alaouite soit renversé.

Mais s’il est presque certain que ce ne sera pas le cas, il ne pourra que sortir affaibli du mouvement actuel de contestation, ce qui aura certainement des répercussions au niveau régional et libanais. La logique voudrait que la Syrie se rapproche encore d’avantage des puissances régionales sunnites, l’Arabie saoudite et la Turquie, qui sont mieux à même de garantir la pérennité de son régime que l’Iran. S’agissant du Liban on ne peut que se réjouir de ce qui se passe chez notre voisine. D’abord parce que tout pas, même timide, de Damas vers un semblant de démocratie ne peut qu’être bénéfique au peuple syrien et aux relations entre les deux pays. Ensuite et surtout, parce que l’affaiblissement de Bachar el Assad ne pourra qu’affaiblir le Hezbollah. Il est d’ailleurs symptomatique que ce dernier soit très discret sur ce qui se passe en Syrie alors qu’il clamait que les révolutions en Egypte en Tunisie et en Libye jouaient en sa faveur. Et qu’à plusieurs reprises des manifestants aient lancé des slogans hostiles à son égard et à l’Iran Il ne serait pas étonnant dans ces conditions que la formation du gouvernement libanais soit encore retardée en attendant de voir dans quelle direction le vent du printemps de Damas va souffler.

Ibrahim Tabet

Le 7 avril 2011

Syrie tel pere tel fils

Syrie : tel père tel fils

Si Bachar el Assad a paru être moins dictatorial que son père, les doutes ne sont plus permis même s’il est sans doute plus influencé par son entourage et a un look plus avenant. Et si Deraa n’a tout de même pas subit le sort de Hama, c’est surtout grâce à Internet et Facebook . Après son choix prévisible d’opter pour une répression féroce, la Syrie se dirige vers une longue épreuve de force conduisant probablement à une impasse pour le régime comme pour ses opposants. Le président syrien est en effet allé trop loin pour se permettre de reculer, à supposer qu’il n’ait eut jamais l’intention d’engager de véritables réformes politiques malgré ses promesses . Et on comprend qu’il n’ait aucune envie de subir le sort réservé à Ben Ali et Moubarak, d’autant que l’épée de Damoclès du Tribunal spécial pour le Liban reste suspendue au dessus de sa tête. L’opposition quant à elle est impuissante à le renverser. Les foules de manifestants sont beaucoup moins nombreuses qu’au Caire et à Tunis. Damas et Alep n’ont pas (encore ?) bougé. Et alors qu’en Egypte et en Tunisie il ne s’agissait que de faire chuter un homme, en Syrie c’est toutes les minorités qui se sentent menacées, et en particulier la communauté alaouite ; d’où la crainte de beaucoup de Syriens, y compris au sein de la majorité silencieuse sunnite que le soulèvement soit confisqué par les Frères musulmans ou, pire, qu’il ne dérape vers une guerre civile. Quant à la « communauté internationale », il ne faut pas s’illusionner sur sa volonté et sa capacité de faire tomber le régime, malgré les condamnations verbales de plus en plus véhémentes de l’Occident et de la Turquie et les menaces de sanction dont on connait l’inefficacité. Certes, Alain Juppé vient de reconnaitre que la France et l’Occident ont été jusqu'à maintenant trop complaisants envers les régimes autoritaires du monde arabe et qu’il convient désormais de tenir d’avantage compte des revendications légitimes de leurs sociétés civiles. Mais après les errements des néoconservateurs américains, nul ne pense aujourd’hui, à commencer à Washington, qu’une démocratisation puisse être imposée de l’extérieur.

Le sort immédiat du peuple syrien paraît donc malheureusement bien sombre et il ne sera pas débarrassé de si tôt de « l’Etat de barbarie » dénoncée par Michel Seurat dont il a été la victime, au même titre que les habitants de Hama et les martyrs de l’indépendance libanaise.

Pour le Liban ce qui se passe chez notre voisine est à la fois une mauvaise et une bonne nouvelle.

Une mauvaise nouvelle car le pays qui paye déjà le prix économiquement de l’instabilité de la région n’est pas immunisé contre un risque de déstabilisation de la part de Damas qui a déjà tenté de faire porter le chapeau de ses problèmes intérieurs à un membre du Courant du Futur et peut être tenté par une manœuvre de diversion .

Une bonne nouvelle car le régime syrien, même s’il reste en place, sera trop faible et isolé pour continuer à jouir du même pouvoir de nuisance sur la scène locale où sa perte de légitimité en fait un allié pour le moins embarrassant pour sa clientèle politique. Et surtout car son affaiblissement se traduira inévitablement par celui du Hezbollah, qualifié à juste titre, d’après Wikileaks, de menace (et c’est un euphémisme !) pour la formule libanaise par nombre de responsables libanais, dont M. Mikati, du temps où il ne briguait pas la présidence du Conseil et le président de la République lui-même.

Enfin il n’est pas impossible que le régime syrien soit contraint de prendre ses distances avec l’Iran dont on ne voit pas comment il peut garantir sa survie, ce qui est désormais sa seule ambition. En effet, au delà des revendications démocratiques légitimes de la majorité des insurgés syriens (même s’il existe sans doute parmi eux des islamistes radicaux aux buts inquiétants), leur soulèvement survient dans un contexte de controffensive arabe et sunnite contre les visées hégémoniques de la théocratie chiite iranienne ; situation qui pourrait inciter la Syrie à chercher à se concilier les pays arabes sunnites, la Turquie, voire les Etats Unis. Si l’Arabie saoudite est le fer de lance de cette controffensive le rôle de la Turquie, grande puissance sunnite et démocratique alliée des Etats –Unis est tout aussi important, et c’est probablement elle qui a le plus d’influence aujourd’hui sur la Syrie. C’est donc toute la configuration géopolitique de la région qui est entrain de changer aux dépens de l’axe Téhéran – Damas comme en témoigne également le retour en force de l’Egypte sur la scène arabe et son parrainage de la réconciliation palestinienne qui fait perdre à la Syrie et à l’Iran une de leurs cartes maitresses. D’où l’éventualité d’un nouveau coup de force du Hezbollah qui n’est pas complètement à écarter si ses maitres iraniens estiment qu’il est l’ultime carte qui leur reste.

Ibrahim Tabet

Le 4 mai 2011

La France et le "printemps arabe"

La France et le printemps des peuples arabes

Comme la quasi- totalité des pays arabes et occidentaux, la France a été prise au dépourvu par le déclanchement soudain de la « révolution du jasmin » en Tunisie auquel nul ne s’attendait. Ne mesurant pas l’ampleur de la contestation populaire, elle a paru dans un premier temps pencher plutôt du coté de l’ordre établis. Certes elle entretenait des rapports encore plus étroits que ceux des autres pays occidentaux avec le régime Ben-Ali : autant pour des considérations de realpolitik, qu’en raison de l’ancienneté des liens historiques et culturelles entre les deux pays. Mais ils ne suffisent pas à expliquer l’énorme maladresse de son ex ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot- Marie, dont le président Sarkozy a bien fait de demander la démission. Proposer le savoir faire français en matière de maintien de l’ordre en plein soulèvement populaire contre un vieux dictateur accroché au pouvoir depuis plus de trente ans était en effet inacceptable pour le chef de la diplomatie de la patrie des droits de l’homme ! Entre temps, le printemps des peuples arabes, qui n’est pas sans rappeler la vague révolutionnaire de 1848 en Europe et l’écroulement en cascade des démocraties populaires après le soulèvement polonais, s’était propagé à d’autres pays : L’Egypte, la Lybie, le Yémen, et Bahrein. Et l’aspiration légitime et universelle des peuples à plus de démocratie, moins de corruption et de meilleures conditions de vies commence heureusement à gagner la Syrie. De plus, heureuse surprise : nul trace de slogans islamistes et antioccidentaux dans ces soulèvements ce qui déconstruit l’argument selon lequel les régimes autoritaires de Ben Ali et de Moubarak constituaient les meilleurs remparts contre l’islamisme radical . Si les événements du Yemen et de Bahrein ne concernent pas directement la France, il n’en est pas de même de l’Egypte et de la Libye : deux pays voisins de l’Europe et appartenant à cet espace méditerranéen cher à Nicolas Sarkozy, qui se désolait des ratées de son projet d’Union pour la Méditerranée. Le geste d’Alain Juppé se réunissant avec les étudiants du Caire a marqué un premier pas dans le basculement de la politique étrangère française en faveur du droit des peuples arabes. Basculement rompant avec une tradition occidentale de complaisance envers les régimes autoritaires établis Mais c’est surtout le cas libyen qui a permis à la France de réaffirmer son leadership en Europe pour toutes les affaires concernant la « mare nostrum ». Elle a été le premier (et jusqu'à maintenant le seul) pays à reconnaître le Conseil national de transition libyen instauré par les rebelles de Benghazi. Faisant preuve de son activisme légendaire, le président Sarkozy a mené l’offensive diplomatique destinée à convaincre ses partenaires européens de la nécessité d’une intervention en leur faveur. Malgré le passé terroriste du colonel Kadhafi et ses menaces de noyer la rébellion dans le sang, il lui a fallu, avec le Premier ministre britannique David Cameron, presque leur forcer la main à Bruxelles pour obtenir leur soutien, à l’exception notable de l’Allemagne. Non seulement du fait de son opposition de principe à tout engagement militaire en dehors du cadre de l’OTAN, mais aussi au vu de ces fortes réserves envers une opération jugée aventureuse. Encore fallait-t- il aussi surmonter les réticences de la Ligue arabe et des Etats – Unis pour arracher une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU indispensable à une intervention. Malgré l’admiration d’une grande partie des dirigeants américains pour la fermeté de Nicolas Sarkozy, ce n’est qu’après beaucoup d’hésitation que l’Administration Obama, embourbée en Afghanistan et en Irak et peu désireuse de se risquer à un nouvel engagement militaire dans un autre pays musulman, a finalement consenti à participer aux opérations militaires. Mais elle a tenu à rester, fait exceptionnel, en retrait par rapport à la France et à la Grande – Bretagne. Aussitôt votée la résolution 1973 de l’ONU, instaurant une zone d’exclusion aérienne, les avions français ont été les premiers à attaquer, le 17 mars, les positions de l’armée libyenne aux portes de Benghazi, sans qu’au préalable les défenses anti-aériennes de l’ennemi aient été neutralisées. Mais cette prise de risque a permis d’éviter d’extrême justesse la prise de la ville par les forces fidèles au colonel Kadhafi.

Il est impossible à ce stade de prédire l’avenir cette nouvelle « Nahda » arabe qui, à la différence de celle du début du siècle dernier, n’est pas uniquement le fait d’une petite élite. On peut seulement affirmer que rien ne sera plus comme avant. Et que le monde arabe pourrait prendre le même chemin que les ex-dictatures d’Europe de l’est et d’Amérique latine. Même s’il demeure semé d’embuches et que les forces anti-démocratiques n’ont pas dis leur dernier mot. Les chances de succès de l’intervention occidentale en Libye sont tout aussi aléatoires, tant est complexe la situation militaire et politique. Sur le plan militaire il est évident que les rebelles, qui manquent cruellement d’armement, d’organisation et d’organe de commandement ne peuvent l’emporter. Quant aux alliés, ils sont paralysés par la résolution 1973 qui interdit toute intervention au sol, éventualité qu’aucun pays n’a d’ailleurs envisagé. Sur le plan politique des voix dissonantes ne manquent pas de se faire entendre. Amr Mussa a même déclaré, avant de nuancer ses propos, que la résolution de l’ONU n’autorisait pas de frappes aériennes contre des objectifs au sol. Et même si les alliés ont convenu d’une coordination des opérations militaires à travers les structures de l’OTAN, ils n’ont pas les mêmes buts de guerre: s’agit-il seulement de protéger les populations civiles ou de se débarrasser du clan Kadhafi ? Enfin au plan interne il n’est pas certain que l’opposition qui regroupe des islamistes et des tribus surtout cimentées par une haine commune au clan Kadhafi puisse instaurer un Etat démocratique et laïc, malgré les déclarations rassurantes de ses délégués à Paris. Pour toutes ces raisons, même si le guide de la révolution est devenu un paria dont la chute est inéluctable à terme, la coalition risque de se trouver dans une impasse stratégique. Il ne faut donc pas écarter le scenario d’une longue épreuve de force ayant certaines similitudes avec le cas Irakien, avec un embargo, une zone d’exclusion aérienne et une division de facto, provisoire ou non, du pays entre la Cyrénaïque et la Tripolitaine.

Mais quoi qu’il arrive, en prenant courageusement la tête de la coalition militaire destinée à stopper l’écrasement de la révolution libyenne, la France de Nicolas Sarkozy aura marqué d’une pierre banche l’histoire des relations franco-arabes et euro-méditerranéennes. Il faut espérer que l’éveil démocratique qui se fait jour en Tunisie et en Egypte ressuscitera sous une forme ou une autre le projet d’Union pour la Méditerranée, donné par d’aucuns comme mort - né. Et, s’agissant du Liban, on ne peut que se réjouir, et du regain d’influence de la France, et du vent de liberté qui souffle sur nos voisins.

Ibrahim Tabet

mercredi 30 décembre 2009

Turquie : une politique étrangère d’ouverture tous azimuts


Le spectaculaire rapprochement entre la Turquie et la Syrie après des années d’animosité et son corollaire : la décision du cabinet Netannyahou de récuser la médiation d’Ankara entre la Syrie et Israël en demandant à la France de jouer ce rôle sont deux manifestations parmi d’autres du redéploiement de la politique étrangère turque. Des politologues et des medias occidentaux s’en inquiètent. Se demandant si la Turquie n’est pas entrain de basculer vers le monde musulman au détriment de son arrimage à l’Europe et au camp occidental ils se posent la question : « sommes nous entrain de perdre la Turquie ? ».
De fait la Turquie joue depuis quelques années un rôle de plus en plus important au Moyen Orient, dans le Caucase et en Asie centrale, alors que la perspective de son adhésion à l’Union Européenne semble s’éloigner. L’inquiétude paranoïaque de certains milieux occidentaux est elle pour autant justifiée ? Et cette évolution n’est elle pas non seulement naturelle mais bénéfique pour tous ses voisins y compris européens ?
Depuis la révolution kémaliste et jusqu'aux années cinquante la Turquie, rejetant son passé ottoman a tourné le dos à ses voisins de l’Est et du Sud se voulant résolument européenne. Mais cette posture exclusive ne tenant pas compte de la géographie et de l’histoire a changé du fait de plusieurs facteurs. La réislamisation du pays qui a entraîné un recul du kémalisme pur et dur défendu par l’armée. L’implosion de l’URSS qui a ouvert de considérables perspectives de coopération au plan politique, économique et culturel entre la Turquie et les républiques turcophones du Caucase et d’Asie centrale. La fin de la guerre froide qui a entraîné un réchauffement de ses relations avec la Russie. Le potentiel important du marché moyen oriental pour une économie turque en pleine croissance. La position géographique du pays au carrefour des routes des hydrocarbures entre l’Asie centrale le Caucase et l’Europe. L’attitude décourageante de l’Union Européenne vis-à-vis de sa candidature d’adhésion. Enfin la venue au pouvoir de l’AKP qui considère que l’ancrage européen de la Turquie et le fait qu’elle soit membre de l’OTAN n’est pas incompatible avec son appartenance au monde islamique et une plus grande implication dans les affaires du Moyen Orient. .
Historiquement cette région a d’ailleurs toujours été dominée par deux puissances la Turquie et l’Iran. Aujourd’hui le déclin du nationalisme arabe, le clivage entre sunnites et chiites et la division des pays arabes ne peut qu’accroître leur influence. Mais alors que celle de l’Iran inquiète, à juste titre, les pays de la région et la « communauté internationale », il ne devrait pas en être de même, au contraire, de celle de la Turquie en qui il faut voir un facteur de stabilité au Moyen Orient. Son islam modéré et sa démocratie servent de contre –modèle à la théocratie iranienne. Poursuivant une diplomatie fondée sur « la conciliation, la paix et le zéro problème avec ses voisins » selon la formule de son ministre des Affaires Etrangères, elle est en bon terme avec tous, y compris la Syrie (dont le président turc vient même de déclarer qu’elle est « la porte de la Turquie vers le Moyen Orient »), l’Irak, le Kurditan irakien et l’Iran. Malgré ou à cause des bonnes relations qu’elle entretient avec Téhéran, les pays arabes « modérés » considèrent qu’elle seule peut faire contrepoids aux visées hégémoniques iraniennes sur la région. C’est aussi l’avis de Joschka Fischer pour qui ‘le principal concurrent de l’Iran dans la région ne sera pas Israël, ni ses voisins arabes, mais la Turquie’

Ce nouveau regard sur le monde arabe et musulman, que d’aucuns qualifient de néo – ottoman, n’empêche pas l’adhésion à l’Union Européenne de rester la priorité stratégique de la Turquie. Celle –ci demeure un allié privilégié des Etats –Unis comme l’a confirmé la visite du président Obama à Ankara où il a d’ailleurs plaidé pour son adhésion à l’Union européenne. Et elle vient d’amorcer un processus historique de réconciliation avec l’Arménie.
On peut certes considérer cette ouverture tout azimuts comme contradictoire et il n’est pas étonnant que la politique « pro arabe » de l’AKP ne plaise ni à Israël ni à certains cercles néo conservateurs américains. Ainsi en octobre 2009 Soner Cagaptay du Washington Institute écrit dans Foreign Affairs que « la politique étrangère turque touchée par l’islamisme n’est plus compatible avec l’Occident ».Cependant, s’il est vrai que le gouvernement AKP, a une sensibilité religieuse islamique, ses choix politiques sont avant tout dictés par une analyse réaliste et rationnelle des intérêts du pays. Au plan économique ils ont contribué à la croissance de ses exportations vers les pays musulmans et la Russie dont elle est devenue le premier partenaire commercial. Au plan géopolitique, occupant une position de pivot stratégique entre la Méditerranée et la mer Noire, l’Asie et l’Europe, la vocation naturelle de la Turquie est de miser sur tous ses cercles d’appartenance afin d’être un pont entre l’Occident et l’Orient .